Revue 102, février 2020. Un article de Philippe Mimouni, vétérinaire au Centre de Reproduction des Carnivores du Sud Ouest (CRECS).

Il est toujours très désagréable de programmer la saillie du siècle plusieurs mois à l’avance,  pour se retrouver au bout du compte avec une chienne vide ou avec très peu de chiots.

Parfois, la nature fait bien les choses : ainsi les spermatozoïdes vivant jusqu’à 5-7 jours dans les voies génitales de la chienne, on pourra tout de même avoir une portée (souvent petite ) en appliquant la règle de la saillie à 12-14 jours. On sait que 70 % des chiennes sont fécondables entre le 12 et 14ème jour des chaleurs. Encore faut il être sûr du premier jour, ce qui n’est pas toujours le cas (chiennes vivant au chenil, chienne ayant peu ou pas de pertes). On peut rencontrer dans les 30 % qui restent des chiennes ayant une période de fécondation optimale du 3ème au 25ème jour des chaleurs.

A l’heure actuelle  il est très facile de bien déterminer le moment idéal pour  pratiquer l’accouplement. Cela présente un double intérêt :

  • Se garantir le maximum de chance de réussir sa portée 
  • Déterminer précisément le jour de la mise bas (ou programmer une césarienne) : l’accouchement aura lieu 63 jours +/- 1 jours après l’ovulation soit 60 jours post fécondation. 

Réalisation pratique :

On peut demander à son vétérinaire de pratiquer un suivi du cycle sexuel de sa chienne à l’aide de frottis vaginaux (Photo1). Mais ceux ci  ne se révèlent pas assez précis pour déterminer le moment optimum de la saillie. Aussi le praticien pratiquera un examen très simple : le dosage de la progestérone. Il est d’une précision redoutable quant à la détection du meilleur moment pour faire monter au septième ciel sa chienne préférée. 

Photo 1 : frottis vaginal.

Il existe une technique de suivi de chaleur par la mesure la résistivité du mucus vaginal mais cette technique n’est pas plus précise que le frottis vaginaux (et attention aux risques de transmissions de maladies sexuellement transmissibles entre les chiennes) 

Au moment précis de l’ovulation, le taux de progestérone s’élève significativement : on considère que l’ovulation se produit pour des valeurs de la progestéronémie comprise entre 5 et 10 ng/ml (variations individuelles). La valeur à la saillie ne donne aucune information sur le bon moment de son déroulement, seule la valeur à l’ovulation compte.

Attention, il existe plusieurs manières de déterminer la progestéronémie et toutes ne sont pas aussi fiables : 

  • le test semi-quantitatif réalisé chez le praticien est intéressant mais nécessite une grande rigueur de réalisation sous peine d’erreur importante 
  • le test quantitatif: il n’existe pas une valeur universelle pour l’ovulation, les valeurs varient selon le matériel utilisé). Aujourd’hui de nombreux vétérinaires ont investi dans des appareils d’hormonologie permettant de réaliser en moins d’une heure le dosage (photo2). Cependant seul une machine préalablement étalonnée peut-être considérée comme fiable (on connaît sa valeur pour l’ovulation
  • Soyez vigilants, certains laboratoires vétérinaires rendent les résultats en nmol/l (1ng/ml correspond à peu prés à 3 nmol/l)
  • Les laboratoires humains ne sont plus habilités pour réaliser les analyses vétérinaires 

Ainsi, la mesure de la progestéronémie constitue un témoin fiable de l’ovulation : il s’agit actuellement de la méthode de référence pour le suivi des chaleurs chez  la chienne.

Photo 2 : appareil d’hormonologie.

Le moment optimum pour réaliser une saillie est  2 à 3 jours après l’ovulation

Il est très important de savoir que chez la chienne, le moment de l’ovulation est antérieur d’au moins deux à trois jours au moment optimal de fécondabilité. En effet, après la ponte ovulaire, les ovocytes doivent subir une maturation d’au moins 48 à 72 heures avant d’être fécondables. Ne pas tenir compte de cet élément de physiologie, et se contenter de repérer une augmentation modérée du taux de progestérone, c’est s’exposer à faire réaliser des accouplements trop précoces, et donc augmenter les risques d’échecs.

Si la mesure de la progestéronémie est un témoin fiable de détection de l’ovulation chez la chienne, le vétérinaire ne peut, pour des raisons de coût évidentes, réaliser une quantité exagérée de dosages au cours d’un suivi de chaleurs. 

En pratique, il n’est pas nécessaire de débuter des dosages de progestérone tant que la chienne est encore en prooestrus, à moins que l’on ait des doutes ou des difficultés d’interprétation des autres tests (chienne présentant  des cha1eurs atypiques, ne perdant pas de sang à la commissure vulvaire, refusant systématiquement l’accouplement à toute période, montrant une kératinisation très précoce des frottis vaginaux…)

En général, le vétérinaire réalisera de deux à quatre dosages de la progestéronémie pour un suivi de chaleurs : il est exceptionnel qu’une seule visite chez le vétérinaire suffise à déterminer le jour de l’ovulation car cela voudrait dire que la chienne est amenée le jour même où elle ovule.

Il sera parfois utile d’en effectuer davantage, afin de s’assurer que l’ovulation est bien terminée, plutôt que de prendre le risque d’un accouplement trop précoce en cherchant à économiser le coût d’un dosage supplémentaire.

N’oublions pas que si la production de chiots n’est pas une production animale ordinaire, la rentabilité financière, sinon l’équilibre des dépenses et des recettes, est importante.

Nombreux sont les éleveurs qui n’hésitent plus, particulièrement lorsqu’ils doivent envisager un déplacement loin de leur domicile, à « investir » dans un suivi de chaleurs piloté par un vétérinaire utilisant des dosages de progestérone. Il est en effet facile de constater que cet investissement initial est largement rentabilisé grâce à l’amélioration du taux de saillies réussies ; il suffit d’un chiot de plus par portée pour que le suivi de chaleurs soit largement remboursé.

L’échographie ovarienne ( Photo3 et 4)

La détermination de l’ovulation par échographie apporte des précisions supplémentaires par rapport aux frottis et dosages hormonaux. Elle est très utile lors d’insémination en semence congelée (durée de vie des spermatozoïdes très courte 12 à 24 heures) 

Cependant elle nécessite l’utilisation d’échographes perfectionnées. Elle demande une technicité importante de la part de l’échographiste et surtout elle n’est réalisable que sous la forme d’un suivi échographique d’examens rapprochés. En effet l’aspect d’un follicule pré-ovulatoire (cad avant l’ovulation) est très proche d’un corps jaune en début d’évolution (cad juste après l’ovulation). Seule l’évolution de l’aspect du follicule permet de faire un diagnostic précis.

Chercher les causes d’une infertilité

On estime qu’en dehors des causes pathologiques  infertilité du mâle ou de la femelle, 50 à 80 % des problèmes d’infertilité sont liés à une mauvaise détermination du moment de l’ovulation et donc de la période optimale de fécondation.

Les dosages de progestérone permettent  l’exploration des troubles de la fertilité, avec la détection de chaleurs silencieuses (chaleurs avec peu ou pas de saignements vulvaires, fréquentes pour les premiers cycles sexuels de la chienne), la mise en évidence de chaleurs anovulatoires ou le diagnostic de troubles gonadiques tels que des tumeurs. ‘ Les frottis vaginaux ne suffisent pas pour assurer de l’existence d’un cycle ovulatoire ; seule la réalisation de dosages de progestérone permet actuellement de conclure. Lorsque le taux de progestérone augmente pendant les chaleurs, sans jamais atteindre la valeur seuil d’ovulation, puis chute rapidement après la fin des chaleurs, il est facile de conclure à la présence de chaleurs anovulatoires – le corps jaune ne s’est pas installé correctement, il n’y a donc pas de sécrétion de progestérone.

Lors d’anoestrus prolongé, il peut être utile de faire un dosage de la progestéronémie avant la mise en place d’un protocole de déclenchement des chaleurs. En effet, si la chienne sécrète de la progestérone, il s’agit très probablement de chaleurs silencieuses, passées inaperçues dans les deux mois qui viennent de s’écouler. Il est inutile de tenter un déclenchement des chaleurs (totalement inefficace aussi près des chaleurs précédentes) ; il est préférable de surveiller la chienne très régulièrement (réalisation de frottis vaginaux deux fois par mois par exemple).

Enfin, les dosages de progestérone interviennent dans le diagnostic de tumeurs gonadiques, chez le mâle comme chez la femelle. L’infertilité constitue généralement le premier motif de consultation, bien avant que des signes cliniques n’apparaissent- des taux détectables de progestérone peuvent être sécrétés par tous les types de tumeurs testiculaires, alors qu’un chien sain ne sécrète pas de progestérone  ‘ Les dosages de progestérone ont été principalement commercialisés pour les suivis de chaleurs des chiennes.

Dans l’esprit de la plupart des éleveurs et des vétérinaires, ils sont désormais assimilés à une méthode de référence fiable, et constituent un investissement initial largement rentabilisé.