Revue 96, septembre 2016. Interview par Bruno MaurI.

Ernesto Pezzotta avec Big Jim et ses propriétaires.

Bruno Maury : Ernesto, te souviens-tu de ce barrage à la coupe de France de QDC entre Poker et Rambo ?
Ernesto Pezzotta : Bonjour à tous ! Oui je m’en souviens très bien… C’était l’un des premiers barrages auquel je participais et il fut important pour plusieurs raisons. C’était un concours dont j’avais beaucoup entendu parler avec le mythique Boulleaume et je rêvais d’arriver à un barrage
et en particulier je rêvais un barrage avec deux de mes chiens. J’avais fait le CACIT le premier et le deuxième jour, j’étais donc seul au barrage final pour le titre. Je me souviens très bien que Darrigade me demanda si voulais un chien pour barrer, mais je lui répondis : « non, je veux le faire tout seul avec Rambo et Poker ! » Devant un public de passionnés ce fut un moment extraordinaire, car avec un peu de chance et grâce à la bravoure des chiens, qui partirent parfaitement l’un à droite, l’autre à gauche ; à un certain moment Poker à gauche, arrêta et Rambo qui était allé tourner du côté des fourgons, en revenant patronna parfaitement sur son compagnon en style. J’allais alors servir Poker, et le couple s’envola comme par enchantement. Je raccrochais Poker puis je fis de même avec Rambo sous les applaudissements du public. Je me croyais au Maracana et ce fut un moment merveilleux mais aussi très important pour moi et pour ceux qui veulent comprendre ce que dresser signifie… Une grande école de dressage comme le souligna Darrigade.
BM : Tu étais au somment de ta gloire à ce moment ! Pourquoi te remettre en question et, avec les mêmes chiens tenter l’aventure de la GQ ?
EP: Réponse simple : je suis parti de la chasse, puis j’ai fréquenté des concours sur cailles et tout doucement des concours de clocher, pour passer ensuite à ceux organisés par l’ENCI. Ensuite j’ai franchi le pas et je suis devenu professionnel. J’ai participé partout en Europe à des concours de QDC avec plein de satisfactions… Mais après il y avait la Coupe d’Europe qui est réservée aux britanniques de GQ et quand j’ai compris que j’avais des chiens importants pour pouvoir y participer je décidais de changer de catégorie, comme cela advient dans tous les sports.
BM : Rambo s’est parfaitement adapté, avec beaucoup de succès, à sa nouvelle discipline. Met et Miro, ses fils également. Les dresseurs plus anciens comme Scipioni, Baldoni, Taccon et les autres, comment t’ont-ils accueilli ?
EP : En deux mots : scepticisme et curiosité. Certains avec plaisir, mais je ne veux pas donner de noms.
BM : Tu as eu des pointers importants dans ton équipe, je pense notamment à Flock. Mais pourquoi cette prédilection pour les Setters Anglais ?
EP : J’aime les deux races. Chacune d’elles doit exprimer le style qu’elle représente, non seulement dans le galop mais aussi dans le contact avec le gibier.
BM : Tu as la réputation de beaucoup travailler avec tes chiens. Selon toi, quelles sont les qualités les plus importantes que doit avoir un jeune sujet ?
EP : Beaucoup et très peu à la fois. En 1er lieu, il doit être très branché sur les oiseaux, ensuite la mentalité, l’avidité, l’envie d’aller chercher. Primordial l’instinct de chasse.

BM : Tes méthodes de travail ?
EP : Comprendre le sujet que tu as en face : 10 sujets devant toi ont dix comportements différents. Il faut donc les comprendre et collaborer avec eux pour exploiter les 100% de leurs qualités.
BM : L’importance des propriétaires des chiens que tu conduis.
EP : Très importante, sans eux on ne va nulle part. Moi, j’ai en plus la confiance de tous les propriétaires qui me laissent carte blanche. Jusqu’à présent je leur ai bien rendu la confiance qu’ils m’ont accordée.
BM : Bobet, Linux, Aramis et Lidio Riva : un sponsoring, un père ou une grande amitié.
EP : Certainement une grande amitié. Un père ? Il se fâcherait !!! Un grand cynophile en tout cas, un grand éleveur, une personne qui comprend et connait parfaitement les setters. Une personne raffinée.
BM : L’année 2015 fut une grande année, avec Nolo, de nombreux CACIT et la coupe d’Europe. Ton meilleur souvenir.
EP : 2 en particulier : la victoire de Nolo à la coupe d’Europe et le CACIT de Linux au championnat setters.
BM : Quand, comme toi, on a tout gagné, qu’est ce qui fait encore courir au cul des chiens des journées entières, passer des mois sur les routes, dans des pays lointains, loin de sa maison ?
EP : Si tu t’arrêtes tu es foutu…Plus les autres avancent, plus je dois avancer ! La concurrence est rude, et il faut toujours avoir de nouveaux sujets, des chiens importants qu’il faut travailler à chaque instant, et qui doivent être toujours branchés perdreaux.
BM : Cela faisait longtemps que tu n’étais plus venu en France. Pourquoi ?
EP : A cause du travail. Le mois d’avril est consacré aux jeunes sujets ainsi que le mois de décembre, selon la météo. Si pour une raison ou l’autre je perds ces périodes dédiées aux jeunes sujets, je perds six mois de travail. Il faudrait organiser un circuit obligatoire européen pour les professionnels, avec des points pour chacun d’entre nous comme en Formule 1 ou en Moto GP. Si pour une raison ou une autre l’un des professionnels ne peut pas assurer le circuit européen entier, il ne pourrait pas non plus participer à la coupe d’Europe. Si un tel circuit était rendu obligatoire, il me faudrait certainement revoir mon plan de travail.

BM : Pour terminer en riant : on dit que tu tires plus vite que Lucky Luke. Est-ce vrai ?
EP: Demandez à ceux qui ont eu la mauvaise idée de m’inviter à la chasse ! Au revoir, à tous.

Ernesto Pezzotta et Nolo del Zagnis.